Vendredi 4 mars 2022 :
Fin du faux suspens à quarante jours du premier tour…
Dans une “lettre aux Français” publiée dans la presse régionale et diffusé sur les réseaux, Emmanuel Macron a (enfin) annoncé son intention de briguer un nouveau mandat.
Le choix de la forme n’est pas anodin. Il fait mine de s’inscrire dans les tréfonds du pays alors que la France n’a jamais connu un président de la République aussi déconnecté de la réalité de la vie quotidienne vécue par chacun d’entre-nous !
Si tous les journalistes mettent cette lettre en parallèle avec celle de François Mitterrand en 1988, beaucoup oublient trop rapidement le bide de celle de Nicolas Sarkozy en 2012.
En attendant le dernier moment pour officialiser sa candidature, le président sortant a surtout entendu profiter au maximum de son statut de chef de guerre. (lire réflexions gaullistes CC, 26/02).
Et ce n’est pas fini !
La campagne présidentielle étant percutée par la crise ukrainienne, il ne sera pas question pour lui de battre l’estrade et courir les plateaux télé…
Cette stratégie, il ne s’en cache même pas puisqu’il affirme ouvertement qu’il ne pourra pas mener campagne comme il l’aurait souhaité “en raison du contexte”.
On n’est pas loin d’un déni de démocratie !
Or, une élection présidentielle ne se réduit pas à un vote. Ce n’est pas davantage un blanc-seing.
Après un quinquennat de crises à répétition (politique, sociale et sanitaire), conclu par une guerre sur le sol européen, les Français sont en droit d’attendre un cap politique clair et savoir quelles politiques publiques leur seront proposées.
D’autant que la campagne, jusque-là confisquée par la droite et l’extrême droite, n’a pas suscité l’intérêt. Le populisme s’est invité dans la bataille des idées mais le débat ne s’est pas cristallisé.
Alors, comment cette lettre sera-t-elle perçue par une société française éclatée, divisée et déboussolée ?
Comme toujours, le Macron dans le texte reste un verbiage creux et ronflant. Mais s’il reste vague sur son projet, les mots clés du macronisme sont bien présents : “il faudra travailler plus” ; lutter contre les inégalités “à la racine” et inventer “face aux défis du siècle, une réponse française et européenne singulière”.
Le président-candidat Macron affirme vouloir défendre nos valeurs que les “dérèglements du monde” menacent. Nous ne partageons décidément pas les mêmes.
Si la guerre emporte tout, elle a manifestement oublié de balayer les idées libérales et fédéralistes du locataire de la rue du Faubourg Saint-Honoré…
Face à un unanimisme de tous les instants, où il n’y a même plus le moindre débat, le positionnement économique et européen d’Emmanuel Macron est pourtant loin d’être l’horizon indépassable de l’avenir de la France !
Mardi 1er mars 2022 :
Après cinq jours de guerre en Ukraine et, alors que l’armée russe a soumis Kharkiv à un bombardement intensif et encerclé Kiev, toutes les attaques ont été repoussées.
L’avantage psychologique et la bataille de l’image penchent indubitablement du côté ukrainien.
Dans le même temps, les négociations russo-ukrainiennes ont débuté en Biélorussie mais ressemblent plus à une manœuvre de diversion au moment où la Russie temporise et prépare certainement une autre offensive. La crédibilité russe est aujourd’hui engagée dans ces opérations militaires et la fuite en avant est probable.
On sait ce que vaut la parole de Vladimir Poutine… mais certains y croient encore, à l’instar d’Emmanuel Macron, qui affirme que son homologue russe s’est engagé à préserver les civils, lors d’un entretien d’une heure et demi.
Les mensonges qu’il lui a asséné pendant cinq heures de tête-à-tête au Kremlin autour d’une table humiliante, le 7 février dernier, ne lui ont-ils donc pas suffit ?
En tout état de cause, nous assistons sous nos yeux incrédules à ce qui pourrait devenir la plus grande crise humanitaire sur notre continent depuis de très nombreuses années.
Plus de 500 000 Ukrainiens ont fui les combats depuis le déclenchement de l’invasion russe jeudi pour les pays voisins (pour moitié en Pologne) et leur nombre « continue à augmenter », ont indiqué ce dimanche les Nations unies.
La guerre pourrait faire 7 millions de réfugiés…
Il va de soi que la France, terre d’accueil, devra prendre sa part et faire preuve de solidarité en accueillant des réfugiés en lien avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
L’abjection qui consiste à dire que l’arrivée de réfugiés ukrainiens risque de « déstabiliser la France, qui est déjà submergée » et qu’il est préférable qu’ils « soient en Pologne » prouve l’absurdité (la Pologne est membre de l’espace Schengen) et l’inhumanité (ces personnes déplacées laissent tout derrière eux et sont dans l’angoisse et le désarroi) dont peut faire preuve l’antimigrant monomaniaque de service qui croit encore pouvoir être élu président de la République.
De nombreuses villes françaises, dont la mienne (Brive), sont jumelées avec des métropoles ukrainiennes (Melitopol s’agissant de la sous-préfecture corrézienne). Ces liens ne doivent pas être de vains mots. La Seyne-sur-Mer, jumelée avec Berdiansk, a par exemple annoncé vouloir « construire une réponse logistique concrète d’accueil des réfugiés loin des incantations de principe de certains ». Elle en a informé officiellement les services de l’État.
Plus que des messages de soutien, ce sont bien d’actes concrets dont le peuple ukrainien a besoin aujourd’hui !
Lundi 28 février 2022 :
Au quatrième jour de l’offensive militaire qui a vu l’armée russe progresser et encercler plusieurs villes, et alors-même que la possibilité de négociations sur un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine semblait prendre forme, Vladimir Poutine a annoncé mettre en alerte la “force de dissuasion” de l’armée russe, y compris nucléaire…
L’incertitude qu’il induit par son comportement fait que tous les scénarios sont envisageables et qu’il faut prendre la menace au sérieux.
Mais il convient de ramener un peu de rationalité à la réflexion et de ne pas nous laisser terroriser ou paralyser par des mots qui sont précisément choisis pour atteindre ce but.
Poutine joue sur nos peurs. Il est en train de tester nos réactions face à une frappe nucleaire tactique préventive en Ukraine, doctrine militaire qui s’est développée en Russie au détriment de la doctrine défensive de la dissuasion nucléaire.
Or, nous ne sommes pas dans un jeu de conquête stratégique et il n’est pas le maître du jeu !
Cette rhétorique, qui peut conduire à une escalade nucléaire, prouve plutôt le contraire de ce qu’elle est censée signifier : acculé, isolé, fébrile, paranoïaque, le chef du Kremlin cherche à faire monter encore plus la pression car il est en difficulté et que les opérations sur le terrain ne se passent pas comme il espérait.
En l’état actuel, il n’y a rien à négocier avec Poutine. Le retrait des troupes russes de l’Ukraine demeure la condition préalable à toute solution juste et durable.
Cette guerre est une erreur considérable de jugement et elle pourrait causer sa perte.
Car, au fond, Poutine a déjà perdu.
Non seulement il a échoué à diviser le camp occidental mais il a redonné une seconde vie à l’OTAN, qui était en mort clinique.
De plus, quelle que soit l’issue de cette guerre, il a réveillé le sentiment national du peuple ukrainien qui n’acceptera jamais d’être sous le joug de Moscou.
Nous ne sommes plus en 1956 à Budapest ou en 1968 à Prague. Le monde a changé. L’ancien espion du KGB se trompe de siècle !
Plus grave, la Russie va ressortir exsangue de cette crise ukrainienne qui aura un coût humain et matériel considérable mais pas seulement : mise au ban de la communauté internationale au plan politique, culturel et sportif ; ses grandes banques exclues du réseau de paiement international SWIFT ; l’espace aérien européen fermé aux compagnies russes ; une image ternie durablement dans l’opinion publique avec une montée des actes russophobes…
Ce que cette guerre détruit, c’est l’avenir de la Russie qui va mettre des années à faire oublier cette agression envers son voisin.