Jeudi 20 octobre 2022 :
Sans surprise le gouvernement a dégainé, hier en fin de journée, l’arme du 49.3 pour faire adopter la première partie de son budget 2023 – celle qui concerne les recettes – alors qu’il restait près de 2 000 amendements à étudier.
C’est une procédure assez traditionnelle en situation de majorité relative.
Et ceux qui crient au déni de démocratie sont dans la posture puisque l’utilisation de cet article est autorisé par la Constitution, notamment pour l’adoption d’un « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » depuis 2008.
Il n’en demeure pas moins que dans l’esprit, cela reste un passage en force, preuve de l’incapacité du gouvernement à convaincre sur un texte financier porteur d’enjeux politiques et sociétaux majeurs…
Mais voter le budget, c’est perdre son statut d’opposant et intégrer la majorité.
Dans le Parlement éclaté issu des élections législatives de juin dernier, il était évident qu’aucun compromis ne serait possible, y compris parfois au sein même de la majorité.
La preuve, l’amendement contre les « superdivendes » défendu par le patron des députés MoDem l’a fait tanguer et laissera des traces, Bruno Le Maire étant allé jusqu’à se livrer à un pathétique chantage à la démission !
La question n’était donc pas tant de savoir si le gouvernement allait avoir recours à cet article mais quand…
Sur cet aspect, le choix d’attendre mercredi et d’enjamber la journée de mobilisation pour la hausse des salaires, tout en faisant plancher pendant des heures les députés en sachant très bien que les débats n’iraient pas à leur terme et que le texte qui sera adopté était déjà prêt, est un nouvel exemple du cynisme froid propre au pouvoir macroniste.
Un véritable jeu de dupes, à l’image des 117 amendements retenus qui proviennent en grande partie de la majorité présidentielle et ne vont pas vers plus de justice fiscale.
Et le pire, c’est qu’il n’est pas exclu que le gouvernement l’active à nouveau sur tous les autres textes budgétaires et notamment le projet de loi de financement de la Sécurité sociale avec les conséquences que cela peut avoir si peu que la réforme des retraites soit insérée en son sein…
Alors, les oppositions peuvent bien maintenant brandir leur motion de censure mais, dans la configuration actuelle, elles semblent toutes condamnées à l’échec. La NUPES ne votera pas celle du RN et inversement… il faut dire que l’on voit mal la majorité alternative qui en résulterait et sur quel contrat de gouvernement ils pourraient s’entendre !
Le gouvernement ne tombera pas. Fin de l’histoire… pour le moment.
Car cette façon de gouverner a un coût. Elle détourne un peu plus encore les citoyens de la politique et, à un moment où il est nécessaire de restaurer la confiance dans le jeu démocratique, le recours au 49.3 n’est pas une procédure appréciée.
En tout cas, on est très loin de la « nouvelle méthode » vantée par Emmanuel Macron il y a deux semaines à l’occasion du lancement de la grande consultation numérique du Conseil National de la Refondation…
Mardi 18 octobre 2022 :
Il n’est pas dans les habitudes de la maison de commenter des faits divers, ni de (sur)réagir sous le coup de l’émotion.
Cependant, le meurtre de la jeune Lola retrouvée dans une malle à Paris (XIXe) est un crime sordide, d’une violence inouïe qui bouleverse la France.
Il sidére autant qu’il révolte.
Parce que Lola, c’est le visage de l’innocence, celui d’une fille, d’une sœur ou d’une camarade de classe…
Et parce qu’au delà de l’atteinte à l’enfance, c’est dans son immeuble que l’indicible l’attendait ; à son domicile qui est le lieu de l’intime et de la sécurité.
Une femme de 24 ans, soupçonnée d’avoir tué la jeune collégienne, a été mise en examen hier pour meurtre et viol commis avec actes de torture et de barbarie avant d’être écrouée.
Mais quels que soient les motifs de cette marginale (folie ou vengeance) et l’abomination de ses agissements, certains devraient avoir la décence de se taire, notamment tous les tenants de la fachosphère ou ces responsables politiques qui ne trouvent rien de mieux que de lancer des polémiques et porter des jugements à l’emporte-pièce sur les origines de Dahbia B.
Surtout qu’en ce qui concerne l’absence de mise à exécution d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui visait la suspecte – dont on ignore au cas d’espèce si elle lui a été notifiée – il convient de rappeler qu’à la fin du délai de 30 jours pour quitter la France par ses propres moyens, l’engagement de la procédure d’exécution d’office avec placement en centre de rétention ou assignation à résidence ne sont que des possibilités laissées à l’autorité administrative et non pas des obligations.
C’est donc bien tous les articles L722-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’il faudrait modifier mais cela suppose, tout à la fois, un vrai changement de mentalité et des moyens considérables.
Y aura-t-il une volonté politique en ce sens, sachant que ce drame fait déjà l’objet de récupérations avec, en toile de fond, la question migratoire ?
Comme l’indiquait très justement ce matin Guillaume Tabard, en conclusion de son édito politique sur Radio Classique, « ne se poser aucune question, y compris sur l’effectivité des expulsions, n’est-ce pas ça plutôt qui pousserait aux extrêmes ? Dès que des faits divers, a fortiori à ce niveau de monstruosité, débarquent dans l’actualité, la frontière entre l’amalgame et le deni n’est pas forcément évidente à trouver. »
Et puis, au delà de la colère que suscite cette affaire, c’est notre rapport à la sécurité qu’il faut repenser. Car malgré le fait que l’on vive dans des environnements ultra-securisés, où la vidéosurveillance est de mise partout, la société n’a jamais été aussi violente…
Cette situation donne le sentiment que la loi du plus fort l’emporte et conduit à la déliquescence de l’Etat qui est en train de perdre sa légitimité et ce qui justifie son existence.
Il est donc indispensable de réaffirmer l’autorité de l’Etat. Sans oublier que la peur n’évite pas le danger et qu’elle est (trop) souvent une stratégie politique…