Mardi 23 janvier 2024 :
Une crise du monde agricole, comme baptême du feu pour le nouveau Premier ministre, on ne pouvait rêver mieux… le monde paysan est très loin du sien !
A un mois du Salon de l’agriculture et cinq des élections européennes, autant dire que cette jacquerie tombe mal pour le gouvernement.
Autoroutes et gares bloquées, bachage de radars… les agriculteurs ne désarment pas et promettent même un renforcement de leurs actions !
Mais pour qui s’intéresse un tant soi peu à ce secteur, cette colère est tout sauf une surprise.
Les panneaux d’entrée des villes et villages retournés n’étaient qu’une mise en bouche.
La colère des agriculteurs essaime sur tout le continent depuis plusieurs semaines pour des raisons propres à chaque pays mais qui se rejoignent dans une même dénonciation de différentes politiques, bruxelloises et nationales, climatiques ou économiques.
Normes et réglementations trop complexes, prix du gasoil, « Pacte vert » européen et hausse des coûts et des charges ou diminution des revenus agricoles… les revendications sont multiples !
Alors, face à un mouvement qui a échappé jusqu’ici aux dirigeants syndicaux, difficile de désamorcer la grogne.
En rencontrant hier soir le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, et le président des Jeunes Agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot, Gabriel Attal, à défaut de maîtriser le sujet et d’annoncer quoi que ce soit de concret, a voulu montrer l’intérêt que porte l’exécutif à la « désespérance » des agriculteurs.
Cela ne suffira pas tant le mal est profond.
Il impose de rebâtir notre agriculture qui est en train de s’effondrer.
La stratégie de montée en gamme généralisée, théorisée par le discours d’Emmanuel Macron à Rungis en octobre 2017 est un échec patent : soi-disant le consommateur allait payer plus cher des produits de meilleure qualité. C’était le but des lois Egalim, censées garantir une marge minimale en faveur des producteurs. Mais rien ne s’est passé comme prévu.
Non seulement la grande distribution et l’industrie ont continué d’imposer des prix agricoles en dessous des prix de revient à de nombreuses filières mais les consommateurs, déjà asphyxiés par la hausse de l’inflation, ont modifié leurs habitudes alimentaires et acheté moins cher des produits importés (à fort impact environnemental) quand ils n’ont pas pratiqué la « déconsommation » !
Mais ce ras-le-bol généralisé, c’est aussi les conséquences de la dépendance à la stratégie « Farm to fork » (« De la ferme à la fourchette ») portée par la Commission européenne dans le cadre du « Pacte vert » ainsi qu’à la Politique agricole commune. En l’occurrence, la version qui est entrée en vigueur début 2023 et qui court jusqu’en 2027 soumet le versement des aides à la mise en place de pratiques plus écologiques, notamment des jachères.
Enfin, comment oublier que l’avenir s’assombrit pour ces hommes et ces femmes qui nourrissent la France : à l’horizon 2030, près de la moitié des agriculteurs auront pris leur retraite, alors que les jeunes générations délaissent les métiers agricoles…
Le bonheur n’est pas dans le pré !
Témoigner sa solidarité avec le monde agricole que l’on assassine c’est bien mais s’emparer de la question du modèle agricole face aux incohérences de la stratégie alimentaire européenne c’est mieux !