Mouvement gaulliste et républicain

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Les réflexions gaullistes des semaines du 14 au 27 février 2022 par Christophe CHASTANET

Dimanche 27 février 2022 :

L’armée ukrainienne et les forces russes se sont affrontés toute la journée de samedi pour le contrôle de la capitale de l’Ukraine au troisième jour des hostilités.

Kiev résiste et n’est pas tombée.

Le peuple ukrainien, victime de nos lâchetés et abandonné à son sort par les pays qui l’ont manipulé, se défend courageusement.

Alors que la Russie annonce “élargir l’offensive” sur le pays, les prochains jours seront decisifs.

Face aux bruits de bottes, il y a des périodes dans l’Histoire où les affaires courantes semblent futiles.

Mais en quoi cela autorise-t-il à instrumentaliser ce contexte international explosif ? car c’est bien ce vers quoi se dirige Emmanuel Macron (avec l’aide de quelques médias complices), pour qui la guerre en Ukraine est une occasion inespérée d’enjamber la présidentielle et de ne pas descendre dans l’arène.

On en a eu la preuve hier au Salon de l’agriculture où il s’est contenté d’un passage express avant de laisser au Premier ministre le soin de déambuler au milieu des stands.

Là où ses concurrents sont relégués à un statut de simples commentateurs, le président de la Republique sortant entend user de sa position pour renforcer sa stature de chef de l’Etat.

Finalement, au moment où l’on devrait faire le bilan du quinquennat, nous plongeons dans une séquence kafkaïenne avec pour point d’orgue une élection pour rien dans 60 jours qui laisse présager des années de contestations en tout genre…

Or, ce qui se passe en Ukraine est pourtant au cœur des enjeux d’avenir majeurs de notre pays avec des conséquences géopolitiques, économiques et migratoires. Nous avons le droit à avoir un débat sur ces questions !

Des leçons essentielles sont à tirer de cette crise pour adapter nos armées aux nouvelles menaces et redéfinir nos relations politiques et diplomatiques.

Elles peuvent se résumer ainsi :

– la Défense est Nationale ou elle n’est pas. Elle ne peut être ni européenne, ni soumise à l’OTAN ;

– la dissuasion nucléaire est nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour mener des conflits de haute intensité ;

– notre diplomatie ne sera efficace que si l’on arrive à développer un rapport de force et proposer des solutions de sortie de crise.

Parce que faire la guerre par procuration ou arborer le drapeau ukrainien jaune et bleu dans des manifestations de soutien à 2 000 kilometres de Kiev, cela permet peut-être de se donner bonne conscience mais ça ne résout rien et ne permet pas d’anticiper les risques géopolitiques.

Samedi 26 février 2022 :

Tout a basculé en une nuit : l’opération militaire Russe en Ukraine, qui a commencé avant-hier (lire communiqué UPF, 24/02/22), est le scénario du pire.

Elle représente une violation caractérisée du droit international et de la Charte des Nations unies… tout comme elle ouvre une nouvelle ère particulièrement dangereuse dans les relations internationales qui aura des répercussions sur la vie politique et sur l’économie mondiale.

Vladimir Poutine sait-il seulement ce qu’il fait et jusqu’où ses obsessions vont le conduire ?

Au delà des actions militaires, qui peuvent aboutir à la partition de l’Ukraine (avec une mainmise sur l’espace maritime stratégique de la mer Noire et le contrôle des zones à l’Est du Dniepr), se dessine derrière chacune de ses prises de parole un réel objectif politique.

Ainsi, non content de faire marcher les troupes russes vers Kiev, il n’a pas hésité, hier après-midi, à appeler de ses voeux un coup d’État par l’armée ukrainienne pour se débarrasser d’une manière ou d’une autre du président Zelensky.

Surréaliste ? pas tant que ca. L’Histoire begaie et on n’est plus très loin de la chute d’Allende en 1973, président démocratiquement élu du Chili trois ans plus tôt.

Une telle hypothèse permettrait ensuite de placer un homme de paille à la tête de l’Ukraine et de négocier de nouveaux accords, par lesquels elle devrait concéder à son voisin encombrant la souveraineté russe sur la Crimée et le Donbass…

Il est manifeste que le Kremlin veut aller vite et éviter l’enlisement. En effet, si l’armée russe est largement supérieure en nombre et en équipement à celle de Kiev, elle risque, sur la durée, d’être confrontée à une guerre asymétrique l’opposant à une guérilla qui pourrait être destructrice.

En attendant, les Ukrainiens sont laissés seuls face à cette agression. Mais comment pouvait-il en être autrement ?

Qui est prêt à mourir pour Kiev ?

Les Occidentaux sont loin d’être au clair.

Il faut dire que la force de dissuasion nucléaire russe gèle leur capacité d’intervention.

Et puis, soyons honnêtes, ce que les Russes font aujourd’hui, les Américains l’ont fait avec cynisme aux quatre coins de la planète depuis des années, comme en Serbie ou en Irak… il ne saurait y avoir deux poids deux mesures, ne negligeons pas leur double jeu dans ce genre de conflits !

Mardi 22 février 2022 :

Avant-hier, en analysant la situation géopolitique en Ukraine (lire billet UPF, 20/2), nous invitions à ne pas présupposer des décisions de la Russie.

Depuis, les évènements se sont accélérés et nous donnent raison.

Hier soir, en reconnaissant unilatéralement l’indépendance des régions séparatistes de Donetsk (RPD) et de Lougansk (RPL), Vladimir Poutine a pris tout le monde à contre-pied (et, anecdotiquement, humilié Emmanuel Macron qui, le matin même, se gargarisait d’avoir obtenu un sommet de la paix).

La Russie n’a jamais eu l’intention d’envahir l’Ukraine. Kiev n’a jamais été un objectif pour Moscou. Poutine n’est pas enclin à l’aventurisme.

En utilisant des méthodes – qui peuvent faire dire à certains qu’elles ressemblent à bien des égards aux avancées territoriales du IIIème Reich en 1938 avec l’Anschluss et l’annexion des Sudètes – il ne fait que reproduire le schéma géorgien de 2008.

Sans annexer l’Ossétie du Sud, la Russie a pris pied chez son voisin. Pour y rester. Il en est de même aujourd’hui dans le Donbass.

Devant le refus de l’Ukraine d’appliquer les accords de Minsk de 2014 et 2015 (prévoyant l’octroi d’un statut d’autonomie provisoire aux territoires contrôlés par les séparatistes prorusses), le voisin russe a pris la liberté de les déchirer, dans un étalage de sa puissance qui ne surprendra que les eurobéats ou autres adeptes du multilatéralisme onusien qui n’a de cesse de faire preuve de son inefficacité.

La diplomatie russe est pragmatique, elle a toujours su jouer sur tous les tableaux et exploiter les faiblesses des occidentaux, comme en Syrie par exemple.

Un État n’a pas d’amis mais des intérêts.

En cela, l’Ukraine tient une place particulière pour la Russie dans sa zone d’influence directe qui protège son territoire et en tant que berceau historique.

La façon dont Poutine a nié, hier, l’existence de l’Ukraine moderne, au cours d’une longue allocution télévisée politico-historique, est d’ailleurs symptomatique de l’utilisation de ce pays pour réaffirmer la puissance russe après le déclin stratégique qui a suivi la chute de l’URSS en 1991.

Au final, en reconnaissant les républiques autoproclamées situées à l’Est de l’Ukraine, la Russie ne prend pas beaucoup de risques ; elle ne fait qu’acter une situation de fait qui perdure depuis 2014 ; quant aux sanctions économiques, elle en subit déjà depuis cette date et ce, alors même que la Russie dépend de l’UE, son premier partenaire commercial et son principal investisseur.

Par contre, les européens voudraient perdre la guerre du gaz et conforter l’ambition russe de la “Grande Eurasie”, en lien avec les routes de la soie chinoises, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement…

L’ours russe est de retour et il mène la danse d’une nouvelle guerre froide.

La France gagnerait à ne pas provoquer de casus belli avec la Russie et à défendre une position politique originale ne reposant pas sur le protectorat américain, qui n’a que faire des intérêts européens s’ils ne convergent pas avec les siens !

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